…And Justice for all.
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olivier_anthore on 20 avril 2009
S’il vous faut une preuve que la culture occidentale n’est pas un bloc monolithique, les théories de la justice sont de bonnes candidates pour votre démonstration. Tout d’abord une précision sur le sujet, les théories de la justice dont je vais parler ici ne sont pas les théories qui élaboreraient le meilleur système judiciaire mais bien les théories qui fonderaient la société la plus juste possible.
J’ai découvert l’existence de ses théories, complètement par hasard, sur un très judicieux conseil de lecture d’un ouvrage de référence de Will Kymlicka « Les théories de la justice : une introduction ». Appréciant la philosophie en dilettante et n’ayant pas fini de lire ce livre, je ne me permettrais pas d’en faire une analyse très poussée mais, suite à une question, j’aimerais exposer une analyse personnelle sur la différence entre une théorie de la justice libérale et une théorie de la justice libertarienne.
Mon tropisme personnel étant d’envisager les choses d’un point de vue historique, commençons par nous placer à la fin des années 60 dans le monde Anglo-Saxon. A cette époque, l’état providence était triomphant, les syndicats forts même si politiquement le marxisme était rejeté violemment. L’idée de base de ce « welfare state » était qu’il était possible de distribuer également à chacun ce qui lui était nécessaire pour vivre aisément. Les différences raciales commençaient à s’estomper grâce aux mouvements des droits civiques. L’avenir s’annonçait radieux.
Les années 70 ont sonnées le glas de cette vision optimiste des choses. En effet, le non-dit qui permettait à l’état providence de se montrer aussi apte à répondre aux attentes de tous était une période de croissance telle que rarement connue dans l’Histoire, les fameuses trente glorieuses chère à Jean Fourastié. En effet, cet état providence ne pouvait fonctionner que grâce à une croissance forte, croissance elle-même basée sur une consommation d’énergie fossile à bas prix. Les chocs pétroliers eurent raison de cette illusion et, à la fin des années 70, il devint évident qu’il fallait trouver une autre façon de construire une société juste.
Deux raisonnements se sont alors fait face : les libertariens et les libéraux.
Pour les libertariens, il était important de retrouver une croissance car la croissance permettait de créer des richesses qui ensuite devaient être réparties le plus justement possible grâce aux mécanismes du marché.
Pour les libéraux au contraire, il était important de corriger au plus vite les inégalités non mérités afin de garantir à chacun d’avoir une vie conforme à ses choix.
Le succès des thèses libertariennes sur les thèses libérales à l’aube des années 80 est principalement du à une alliance de circonstance avec le courant des néoconservateurs. En fait, les libertariens ne sont éloignés des libéraux que par leur analyse sur les moyens pour rétablir la justice dans la société et leur confiance dans la perfection du marché. Contrairement aux néoconservateurs, les libertariens ne sont pas homophobes, ni sexistes, ni particulièrement racistes. Idéologiquement du moins.
Là où les choses se compliquent un peu, c’est que leur croyance dans le marché et la charge en règle qu’ils ont menée contre l’impôt pendant toutes les années 80 ont entrainé une société fondamentalement inégalitaire et dans laquelle les minorités se trouvaient violemment fragilisées. Les néoconservateurs, se basant sur leur analyse de l’illégitimité de l’impôt comme moyen de rétablissement des inégalités non mérités, en ont en effet profité pour justifier les profits et les positions dominantes dans la distribution des richesses non comme un résultat du déséquilibre des situations initiales mais comme un résultat des choix judicieux des acteurs.
Tout ceci donnait une impression de réussite tant que la croissance, basée sur l’abandon entier des protections sociales, était au rendez-vous.
Cette mascarade a maintenant pris fin, comme nous avons pu le voir lors de la crise financière qui a démontré à quel point la société ainsi construite privilégiait le pouvoir économique en place dans la distribution des richesses et non les choix pertinents des acteurs.
Il est amusant de constater en passant que la France après avoir résisté pendant 20 ans aux sirènes libertariennes a finalement fini par céder lors de l’élection de Nicolas Sarkozy.
Cela relance donc l’intérêt des thèses libérales et de la lutte contre les inégalités non mérités. Le problème de ces théories est leur application. En effet, aujourd’hui, le seul moyen de rétablissement des inégalités que proposent aujourd’hui ces théories libérales est l’impôt. Or, si l’impôt permet éventuellement de rattraper certaines inégalités sur la santé et l’éducation il ne peut suffire à tout.
En effet, les inégalités dues aux sexes, aux préférences sexuelles ou à l’appartenance ethnique ne peuvent pas trouver une solution dans la fourniture de moyens. Il est aussi douteux de penser que l’on peut compenser totalement le handicap par exemple uniquement par des moyens financiers ou alors à des coûts tels qu’il faudrait pénaliser toute la société.
Un autre point est que toutes ces théories n’adressent pas explicitement la problématique de la croissance. En effet, même les libéraux qui réfléchissent sur une société de répartition de biens limités ne se posent pas la question de l’impact sur l’environnement de la satisfaction des désirs des acteurs de la société. Cependant, c’est sans doute la théorie qui s’adapterait le plus facilement à cette prise en compte contrairement aux libertariens qui n’ont d’autres solutions pour satisfaire tout le monde qu’une croissance échevelée.
Ce billet n’est qu’une sorte de note de mi-parcours, et il y a beaucoup de points que je serais sans doute amenés à développer ou à corriger. N’hésitez pas à le critiquer ou à me demander des précisions. J’y répondrais à travers d’autres billets.
Lien intéressant :
Notes de lecture de « Les théories de la justice : une introduction »
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avril 21st, 2009 at 12:26
Certaines de vos assertions me surprennent fortement! utilisons nous les mêmes mots, pour les mêmes concepts???
Pourriez-vous citez vos sources, s’il vous plait?
Qui sont ces libertariens, et ces libéraux dont vous parlez?
d’où sortez vous l’idée que Nicolas Sarkozy soit libertarien???
à moins que pour vous, ce terme ne soit qu’une insulte comme une autre, et dans ce cas je vous suggérerais plutôt ectoplasme ou moule à gaufre comme le capitaine hadok!!!
avril 21st, 2009 at 14:07
Effectivement je n’ai pas cité les auteurs auxquels je faisais référence.
Pour les libéraux : John Rawls et Ronald Dworkin
Pour les libertariens je n’ai qu’un seul auteur (principal opposant à Rawls) Robert Nozick
Je n’ai pas dit que Nicolas Sarkozy était libertarien en tant que tel : je doute en effet qu’il soit vraiment capable de construire dans la durée une véritable stratégie politique de quelque nature que ce soit.
Ce que j’ai dit par contre est que le projet qu’il a proposé au français était d’inspiration libertarienne par son attaque violente contre l’impôt et sa volonté de mettre en avant une libéralisation à outrance des marchés.
En fait, il se contentait de singer ce que Thatcher et Reagan avait mis en oeuvre au début des années 80 dans leurs pays respectifs.
J’espère avoir clarifier mes propos mais n’hésitez pas si je ne suis toujours pas clair.
avril 22nd, 2009 at 16:09
Ces théories sont apparues bien plus tôt que dans les années 60. Les rapports entre la justice ou l’équité et le développement de l’économie et la répartition de la richesse ont fait l’objet de débats dès le début de la révolution industrielle dans les années 1830/1840. Si cela vous intéresse et comme un clin d’oeil, je vous enverrai même une copie d’une peinture allégorique datant de ces années, « La Justice répandant l’Abondance et l’Industrie sur la Terre », qui se trouvait dans la salle du Conseil d’Etat lorsque celui-ci se trouvait au Louvre et qui mmaintenant se trouve au Musée des Beaux-Arts de Quimper.
avril 22nd, 2009 at 16:26
Oui tout à fait. Dans son ouvrage Kymlicka montre assez clairement la filliation qu’il peut y avoir entre Robert Nozick et John Locke (1632-1704).
Mon but dans ce billet était de montrer quand et en quoi les deux familles libérales se sont distinguées et opposées.
Je voulais aussi montrer ce qui avait fait le succès apparent pendant les années 80 des libertariens même si je pense qu’ils ont été surtout instrumentalisés par les néo-conservateurs.
Merci pour le commentaire et je suis preneur pour l’illustration car je pense que je reviendrais sur le sujet dans un autre billet.
avril 22nd, 2009 at 17:06
merci de m’avoir répondu! et ravie de voir qu’en attendant l’ouverture des forums des échanges intéressants peuvent débuter!
avril 22nd, 2009 at 17:08
En l’occurrence c’est moi qui vous remercie : c’est extrêmement stimulant et ça m’aide à affiner ma réflexion.
novembre 21st, 2009 at 22:50
De grosses erreurs dans votre analyse quand même, l’un et l’autre ne correspondant pas du tout à ce dont l’image vous en faites. Je vous conseilles, les deux lectures suivantes:
La pensée libertarienne : Genèse, fondements et horizons d’une utopie libérale (Broché)
de Sébastien Caré
Les apports de l’école autrichienne d’économie : Subjectivisme, ignorance et coordination (Broché)
de Thierry Aimar
Bien que Modem, je dois dire que ces idées là me font parfois rêver
novembre 22nd, 2009 at 9:02
En attendant que je puisse les lire, quels sont les erreurs que vous avez relevées ?
En ce moment mon programme de lecture est assez chargé